Faut qu'on parle. [PV : Felix Ahn]

Felix marchait tranquillement dans la rue en direction du smoothie bar devenu vraisemblablement QG de retrouvailles. En temps normal il serait venu en bicyclette afin d’abréger son chemin jusqu’en centre ville, mais depuis que cette dernière était portée disparue il devait en revenir au moyen de locomotion le plus basique qui ait existé; les pieds. Songeait-il à passer un jour le permi de conduire ? “Et pour quoi faire” vous répondrait-il. “J’habite en ville, je n’en vois pas l’utilité.” A cela vous n’auriez rien eu à répondre que des arguments sur l’écologie ou la praticité lors de voyage. Mais il en aurait peu importé au jeune asiatique dont les poches étaient suffisamment remplies pour s’offrir un uber jusqu’au Texas.

Quelques heures plus tôt Felix avait reçu un appel de son précieux ami. Et si le plus âgé des deux ne s’attendait pas à ce que leur amitié prenne un tel tournant le jour où, ivre mort, il avait entraîné le jeune innocent dans son univers de débauche, il devait bien admettre ne pas s’en plaindre. C’était même presque plaisant de le voir évoluer au fil des ans. Et plus il avançait vers le smoothie bar, plus Felix se préparait à assister à une quelconque crise existentielle.

En entrant dans l’échoppe, ce n’est pas la tête de son meilleur ami qu’il remarqua aussi tôt. Mais celle d’une vieille dame assise dans un coin de la pièce. A sa table, collée à un paquet de chips elle semblait parler seule. “La folle aux chips” se dit alors Felix en levant les yeux au ciel. Elle était connu des locaux pour avoir épousé son paquet de kettle chips quelques années auparavant. Mais son discour déjà peu sérieux n’avait qu’été discrédité le jour où elle avait affirmé avoir aperçus quelques ours exotiques dans les montagnes.

- Alors, tu m’expliques ? Demanda-t-il en s’asseyant à la table de son ami.

Felix regarda l’ancien blond intensément, attendant quelques explication à cette entrevue soudaine.

- Tu vois Cynthia Holloway? La bibliothécaire de la bibliothèque d'à côté? Celle dont je t'avais parlé plus d'une fois...

Un peu qu’il voyait qui était Cynthia. Un esprit créatif embué dans un corps de déesse assaisonné d’un caractère plutôt bien trempé. Leurs chemins s’étaient déjà croisé deux fois et Felix savait qu’il n’était clairement pas au bout de ses surprises. D’autant plus que ce cher Oli ne cessaient de déblatérer à son propos comme s’il avait trouvé en elle le saint grâle qui lui rendrait sa blondeur. C’est ce qui lui permit, à l’instant où les lèvres de l’anglais prononcèrent ce prénom maudit, de comprendre la situation.

A en juger par la méthode directe de son meilleur ami, à son égo surdimensionné et au personnage qu’était la bibliothécaire, Felix s’étonnait que quelque chose ne soit pas arrivé plus tôt.

- Ouais et?

- Bah je l'ai invitée chez moi tout à l'heure et tout se passait bien jusqu'au moment où je me suis visiblement trop emballé... Elle m'a demandé d'arrêter de la complimenter et de me rapprocher d'elle et elle est partie. Tu te rends compte? Elle m'a foutu un râteau mec, le premier de ma vie, j'ai jamais vu ça!

Touché.

Un sourire incontrôlable s’afficha sur le visage de Felix. Mais comment aurait-il pu s’empêcher de rire face à pareil discours ? Mais lorsqu’il sentit le regard de son meilleur ami se poser sur lui, tout contrôle lui échappa. Il rigola amèrement, amusé au possible par l’innocence d’Oliver.

- Tu peux te marrer tant que tu veux mais ça ne change pas la situation... Je ne comprends pas ce qui s'est passé pour que ça tourne mal... Tout était en train de bien se passer quand soudainement elle me dit d'arrêter. D'habitude tout suit le cheminement.

Sur ce coup Felix admettait ne pas avoir préparé Oliver. Au cours de leur cinq années d’amitié ils lui avait montré quelques trucs, même si la majorité s’était faite spontanément. Mais visiblement après des années de chasse il rencontrait pour la première fois l’obstacle du caractère.

- Mais enfin mec, tu devais bien t’attendre à ce que quelqu’un te résiste un jour ou l’autre… Dit-il toujours amusé.

- J'arrive pas à comprendre ce qui n'allait pas. J'ai tout fait comme d'habitude, j'ai tout fait pour la mettre à l'aise et elle part comme ça. C'est hyper frustrant! T'as une idée toi?

- Justement, commença-t-il en buvant un peu de son smoothie.

Ce dernier avait un goût aussi amer que le râteau que s’était pris Oli.

- C’est peut-être parce que tu t’y es pris comme d’habitude que ça a foiré. Réfléchis-y.

S’avachissant sur son dossier, il croisa les jambes après avoir jeté un coup d’oeil sur le paysage urbain qui se mouvait au dehors.

- Tu t’es déjà attaqué à une fille comme elle ? Regarde, d’ordinaire celles que tu accostes sont en soirée, pour certaine assez pompette. Elle ne demande qu’une chose; de l’attention. Et toi tu crois pouvoir faire avec elle comme avec les autres ? Enfin reprends-toi Oli !

Il se rapprocha à nouveau du jeune homme. Cynthia se suffisait à elle-même, à l’inverse de toutes les pimbêches qu’il avait conquises jusqu’ici.

- Ne baisse pas les bras trop vite, reprit-il sur un ton plus rassurant. Avec ce genre de fille il faut la jouer plus… stratégique. Elle n’est pas qu’une forme, elle est un fond. Pire que d’être un fond elle esti n t e l l i g e n t e. Tu pourras t’habiller aussi élégamment que possible, faire des saltos et lui offrir un sourire Colgate que c’est à peine si elle sera touché. Et même si elle l’est, c’est quand même le fond qui la fera tomber. Pas la forme...

Appelant le serveur pour commander un cookie, Felix savait pertinemment qu’Oli continuerait de s’en prendre plein les dents s’il se risquait sur cette voie. Car si Cynthia tombait pour lui, ce qui n’était déjà pas certain en soit, c’est certainement qu’elle se serait intéressé à qui il était vraiment, et pas à qui il prétendait correspondre.

Lorsqu’enfin il mordit dans sa pâtisserie il remerciait le ciel d’avoir créé le sucre pour compenser les smoothies amers comme un chicotin. Pourquoi diable des gens buvaient cette chose ?

- Bon dis-moi, reprit-il. C’est bien beau de se prendre un rateau, mais tu comptes faire quoi maintenant ? Tu vas t’arrêter là, où tu comptes insister ?