Si l'Enfer était pavé de bonnes intentions...

0 •• « Where's home ?… » Avant tes 8 ans, il n'y a rien.  1 •• « As far as I can remember… » Tu as bonne mémoire. Peut-être est-ce dû à toutes ces notes que tu prends sur tes journées… As-tu si peur de l'oubli ? Tu es pourtant capable de décrire de manière détaillée ce qu'il s'est produit jusqu'à deux jours auparavant, et bien que tu n'utilise ce fait que de manière à varier ton alimentation, peu de personnes peuvent en dire autant. 2 •• « I draw since… Well. I dunno ! » Tu ne peux pas t'en empêcher. Que ce soit dans le coin d'une feuille de notes, ou dans ton carnet, il y aura toujours un croquis. 3 •• « … You can say I'm a… Bird lover ? » Petite, tu voulais devenir ornithologue. Dommage que tu n'ai jamais été très bonne en sciences 4 •• « I cook, you cook… » L'une des activités que tu as le plus réalisée avec ton oncle. Il a passé beaucoup de son temps à t'apprendre les bases de la cuisine, bien que les premières fois, tu n'ai pas été une élève très… Dynamique dirons nous. Tu ne le remercieras jamais assez pour sa patience. Depuis que tu as quitté la maison, il t'envoie une fois par mois de nouvelles recettes à essayer. Ainsi tu ne perds pas ton niveau que tu qualifies de « convenable ». 5 •• « - So. What is it ? - Stenography. » Ou la « sténo » comme tu aimes l'appeler. Au début il s'agissait d'un passe temps. Puis tu t'es rendue compte qu'étant l'une des seules personnes à connaître cette écriture, elle devenait une meilleure sécurité qu'un cadenas sur un journal. 6 •• « Twinkle twinkle little star » Twinkle, c'est le nom de ton chat. Son pelage te faisait penser à de l'argent scintillant, d'où son nom. Elle est ton amie, ta compagne dans la solitude de ton appartement. C'est un peu bête, mais après que tu l'ai trouvée abandonnée et transit de froid, elle est certainement ce que tu as de plus précieux ici. … Peut-être préfères tu les animaux aux humains. 7 •• « Hum… I gotta go ! » Les longues et interminables conversations t'étouffent au point d'en perdre tes mots. Tu n'es pas à l'aise avec les gens. S'ils faisaient attention, ils pourraient voir que tu n'oses même pas les regarder dans les yeux, de peur d'y déceler leurs émotions… Ou de trahir les tiennes. 8 •• « I keep my promises. Remember ? » Tu attaches une grande importance au fait de tenir tes promesses et engagements. Peu importe de quoi il s'agît, « une promesse est une promesse ». 9 •• « That dream again… » L'eau, le froid, la lumière au dessus qui semble s'éloigner et puis… Tu ne parviens plus à respirer, tu étouffe, tu suffoque, tu te réveille avec la sensation d'avoir craché une eau inexistante. 10 •• « Then I looked into the depth » Les profondeurs froides et sombres d'un lac sorties d'un cauchemar. C'est tout ce qu'il t'a suffit. Tu crains l'eau. Tu en as une peur presque irrationnelle, si forte que tu n'oses même pas y entrer. Et malgré toutes tes tentatives pour y remédier, tu ne sais pas nager. 11 •• « I'm not crazy. Ok ? » Toute ton enfance, tu as eu la désagréable impression que ton entourage te croyait folle. Ou alors que tu l'étais mais que personne ne comptait te le dire. Les rendez-vous chez divers médecins spécialisés n'ont pas aidé. Mais il faut dire que tu n'étais pas très coopérative… Depuis, tu hais les hôpitaux. Plus loin ils sont, mieux tu te portes. 12 •• « I'm fine. » Combien de fois as-tu répété cette phrase ? Tu n'aimes pas exprimer ces émotions. Tu sais, celles qui restent en travers de la gorge, ces grondements sourds que tu sens au plus profond de tes entrailles. Tu les caches sous un couvert de sang-froid apparent, mais tu boues de l'intérieur. Pourquoi tous ces efforts alors que tu sais très bien qu'à force, tout finira par exploser ? 13 ••  « … » Tu reste silencieuse, car tu sais que dans ces moments, tout ce que tu dis devient venin. La colère te permet de toucher là où la douleur est plus forte. Tu le regrettes ensuite mais… Trop tard. « Why do people we love are the ones we hurt the most ?… » Parce que l'on sait où sont leurs blessures ? L'empathie est à double tranchant. 14 •• « … Liar. » Tu es… Une très bonne menteuse contrairement aux apparences. Il t'est arrivé d'arranger la vérité à ton avantage, de prétendre être ce que tu n'es pas, ou de tromper pour autrui. Tu avais déjà un talent naturel pour le mensonge, mais il faut dire que tu as eu le temps de t'y entraîner, lorsque tu ne voulais pas parler aux médecins.  15 •• « I'm the one I fear the most » Parce que tu ne te comprends pas. La moitié du temps, tu ne parviens même pas à te reconnaître dans le miroir. Pourtant c'est toi, c'est bien toi bon sang ! Alors pourquoi renfermes-tu cette fureur, telle les milliers de maux d'une boîte de pandore ? 16 •• « … Let's speak about something else. » Tu n'aimes pas parler de toi. A dire vrai… Tu n'aime pas ne serait-ce que penser à toi, de peur de ce que tu pourrais découvrir. Ceci pourrait expliquer pourquoi, malgré le temps qui passe, pas une bride de ce que tu as perdu ne te revient en mémoire. … A part cette maudite peur de l'eau.  

Empathique + Timide + Passive + Observatrice + Peu assurée + Lucide + Déraisonnable + Imaginative + Pessimiste + Solidaire + Loyale + Curieuse + Introvertie + Autodidacte

Notes du docteur Steward:

Un son. Un son qui revient, inlassablement d'une manière régulière. « bip… bip… » Il ressemble à celui que ferait une…. Machine ? Puis l'odeur. Des médicaments et un nettoyant quelconque. Mes yeux s'ouvrent difficilement, et j'ai mal à la tête. … Je vois flou. Le son continue et accélère. Je ne reconnais pas les lieux. « bip.. bip.. bip.. » Où est la maison ? Comment suis-je arrivée ici ? Qui sont les gens que j'entends derrière la porte ?

La dernière chose dont je me souvienne c'est que… Que… La dernière chose ?

Le noir.

« bip bip bip bip bip »

Ma respiration devient plus forte que le son de la machine. Alertés, des hommes en blanc arrivent. Ils ne cessent de me dire de me calmer. De leur faire confiance. Que tout va s'arranger.

- … Menteur.

Je recule, le mur derrière moi m'arrête.

- Menteurs ! De nouveau, plus fort. Tout va pire, pire et… Je porte mes doigts à mes joues. Elles sont mouillées, je n'arrête pas de pleurer. Laissez-moi rentrer à la maison ! S'ils ne sont pas là c'est que… Ils… Ils ont beaucoup de travail ! Ils vont s'inquiéter si je ne rentre pas !

Je ne saisis pas la moitié de ce que je leur dit. Les mots sortent d'eux-mêmes se répètent, se répètent…  Mais je n'en comprends pas le sens. Pourtant je veux comprendre. Ce sont eux qui ne font que détourner la question.

Notes du docteur Steward:

Journal de Cynthia Holloway:

Ce nom ne me dit rien. S'ils le disent, c'est que c'est le mien mais… Je ne l'aime pas, je ne m'en souviens pas, je ne me souviens de rien. J'ai essayé pourtant. J'ai essayé de me souvenir de ce qui est arrivé. Rien n'est venu. J'en ai parlé à l'un des docteurs, il a dit que c'était normal après avoir dormi aussi longtemps. Que c'est sûrement le choc. … Quel choc ? "Dormi aussi longtemps ?"

Journal de Cynthia Holloway:

Notes du docteur Steward:

Je ne reverrai pas mes parents. Jamais. Je ne suis pas triste, je ne me souviens pas d'eux. Alors… Pourquoi ça fait si mal ? Je voulais les voir. Je veux les voir. « C'est impossible. » Pourquoi ? Pourquoi impossible ? Pourquoi pourquoi pourquoi… It hurts. It hurts so much…

Pourquoi m'ont-ils laissée ?

- Voici Agatha et Joey. Agatha est la sœur de ta maman. Ils s'occuperont de toi.

Journal de Cynthia Holloway:

Ok. Just… Just Calm down. Quelle est la première chose à faire dans cette situation ? Se recentrer. Right… Se recentrer… Se poser la question : Où es-tu ?

A Boise.

Pas dehors, pas en bas, où es-tu, ici et maintenant ?

Dans une pièce. Une pièce que je connais.

J'en connais chaque recoin. Du papier peint crème des murs, à la moquette grise du sol.

A gauche, le placard violemment ouvert. Les affaires qu'il contenait gisent au sol, la boîte où étaient rangés mes carnets agonise suite à l'impact, béante. Ceux-ci, autrefois si soignés, ont les pages tordues, pliées, détachées… Échappés du carton, ils sont abîmés, meurtris.

- C'est toi Cynthia ?

- … Mme Goodwin ? Que me vaux le… Plaisir ?

- Oh Cynthia ! Pauvre enfant, je suis tellement désolée pour ta famille !

- Pour ma… Famille ?

A droite, un bureau, ses tiroirs grands ouverts, vomissant des mots que j'aurais voulu dire, des lettres jamais envoyées, toutes adressées à la même personne.

Morceau de papier supposé être une lettre de Cynthia Holloway adressée à Charlie Brown. Noyé au fin fond du premier tiroir de son bureau. Jamais envoyé.:

- Allons tu sais bien ! Oh mon dieu quelle perte soudaine…

- Je… Quoi ?

- Ta grand-mère elle est… Décédée.

Quant à son espace de travail… Tout ce qui s'y trouvait, de la boîte de stylos, aux feuilles de papier abandonnées, au flacon d'encre, à la lampe poussiéreuse ayant servie tant de nuits…  tout a volé en éclat, ne laissant qu'une tache noire sur le sol et du verre brisé.

- … Grandma ? Non il doit y avoir une erreur. Je l'ai eu au téléphone hier à peine et…

- Tout va bien ? Je ne te parle pas de Shelly Holloway, mais de la mère de ta tante ! Oh quelle perte immense ce doit-être…

- … Ah. Oui. Bien sûr.

- Miaou !

- Maintenant si vous voulez bien m'excuser, j'ai un chat à m'occuper.

Ne reste que le lit, où l'on pourrait s'écrouler et rester des heures durant.

Et tandis que les rayons du soleil jouent avec la poussière environnante, allongée sur ce lit, je me demande…

If I was right, why does it hurt so much ?

- Stay here Twinkle.

- Je me disais bien que je t'avais entendue entrer ! Tu as fait bon voyage ?

- J'ai eu une discussion très intéressante avec Mme Goodwin. Veux-tu savoir ce qu'elle m'a dit ?

- … De quoi avez-vous parlé ?

- Oh, de choses sans importances. Après tout, pourquoi me cacherait-on l'existence d'une grand-mère morte ?

- Allons Cynthia ! Tu sais bien que Mme Goodwin est----

- Une sorcière ? Une folle peut-être ? Je ne poserai cette question qu'une fois Agatha. Dit-elle la vérité ?

Silence.

- … Oui.

- … Tu m'as dit qu'elle était morte avant ma naissance. Toutes ces années tu…

- Cynthia…

- Ne me touche pas ! Tu es celle qui m'a appris ce que le mot confiance signifiait. C'est toi qui m'a fait la morale chaque fois, chaque fois que je mentais ! Te rends-tu compte de ça ? Alors pourquoi. Pourquoi ?!

- C'était pour ton bien !

- Pour mon bien ? Pour mon bien ?! De quel droit décides-tu ce qui est bon pour moi ? Hein ? De quelle droit ?!

- Nous n'étions pas en bon termes. Et ta mère…

- Ne la mêle pas à ça ! Je ne suis pas ma mère tu m'entends ?! Je me fous de ce qu'elle pourrait penser et tu sais pourquoi ? Elle est morte. Morte ! Alors fais-toi une raison et arrête, arrête de parler comme si elle était encore là !

Parce que ma tante pleurait ? Elle pleurait par ma faute. Je savais qu'elle se sentait coupable de la mort de ma mère. Je ne suis même pas sûre qu'elle l'accepte. Alors pourquoi lui dire tout ça ? Comment ai-je pu ?

Voulais-je la faire souffrir autant que je souffrais ?

Non. Je ne peux pas avoir autant de rancœur envers elle. Elle m'a élevée ! Comment pourrais-je la haïr ?

Je ne peux pas vouloir lui faire de mal. Je refuse de le croire. Mais alors pourquoi m'être enfermée dans ma chambre ? Pourquoi avoir tout détruit ?

Pourquoi ne me suis-je pas excusée ?

Je suis allée trop loin.

Journal de Cynthia Holloway (sténographié):

- Voilà. Tu sais.

J'aimerais prendre ses mains dans les miennes, la rassurer, lui dire que rien n'est de sa faute, mais  n'y parviens pas. Je m'en veux, je leur en veux, ils sont coupable, je suis coupable, que dois-je faire ? Quelle est la bonne chose à faire ? Mes mains se croisent entre elles.

- Et… J'avais aussi une chose à te donner.

Elle prend quelque chose qu'elle a apporté et posé près d'elle. Une forme animale, semblant encore douce au touché malgré les années.

- J'aurais probablement dû te le donner plus tôt… Après tout il y a longtemps que tu ne joue plus à la poupée.

De plus près, la forme ressemble à un lapin en peluche. Il est gris de poussière, rapiécé de plusieurs côtés, et l'une de ses oreille se détache malgré les nombreuses tentatives de la recoudre. Il lui manque un œil et son ruban n'est plus là, perdu depuis longtemps. Je ne l'ai jamais vu, pourtant je le reconnais.

Il semble être dans l'état où je l'avais laissé, de ses oreilles tombantes à sa légère odeur de chocolat. Seul cet œil manquant ne me semble pas à sa place. Comment l'aurait-il perdu ?

- … Mr Bunny ?

Journal de Cynthia Holloway (sténographié):

Je ne pensais pas qu'en tombant, le carnet s'ouvrirait sur ce chapitre…

- … Vas-bien ? … Blanche……… Linge !

Je sursaute. Mme Webster – la gérante de la bibliothèque – s'est rapprochée sans que je ne m'en rende compte. Je ferme le carnet.

- … Ne vous inquiétez pas je suis juste… Un peu fatiguée.

A force de constamment m'endormir sur mon bureau, la fatigue sera le cadet de mes soucis. Je dois vraiment me débarrasser de cette mauvaise habitude… Mais… Il fallait bien terminer ce dessin !

- Je croyais que tu allais rentrer chez-toi ? Me répond ma supérieure sur un ton amusé. Allez et que ça saute ! Tu gêne le passage à rester là !

… Il est vrai que je me suis stoppée net devant l'entrée.

- Oui pardon haha ! Cette fois j'y vais !

Finalement montée dans ma voiture, je met le contact. Je ne rentrerai pas de suite à l'appartement. Après tout, il fait beau, un détour ne ferait pas de mal.

Je vérifie néanmoins d'avoir tout mon matériel. C'est bon.

Direction : la forêt de Sawtooth. Après tout, il fait un temps magnifique, et… Ce ne sont ni ses rumeurs, ni ce qu'il s'est déroulé ces derniers mois qui vont m'arrêter.

Je passe ma tête par la fenêtre, admirant un ciel bleu où s'éparpillent des nuages de coton.

Le printemps s'éloigne, les beaux jours arrivent.

Will I see birds today ?